Échec du rêve européen de modernisation : désespoir totalitaire

Échec du rêve européen de modernisation : désespoir totalitaire

La révolution mécanique dans un village russe

Imaginez un village rural en Russie, où une machine révolutionnaire fait son entrée. Nous sommes plongés dans le film muet de Sergei Eisenstein, Le Vieux et le Nouveau (1929), où Martha, l’héroïne interprétée par une paysanne réelle, tente d’introduire la modernité dans sa communauté. Son rêve de progrès est symbolisé par un séparateur de crème mécanique, offert par le gouvernement soviétique. Dévoilé dans une grange en bois, cet objet brillant semble presque extraterrestre, suscitant d’abord la méfiance parmi les villageois.

Mais une fois en marche, la machine fascine. Les paysans rassemblés autour voient le lait tourbillonner dans l’appareil, produisant de la crème devant leurs yeux ébahis. Le nombre de villageois rejoignant la coopérative laitière augmente rapidement, symbolisé par des chiffres qui défilent à l’écran. C’est un moment de triomphe, où la mécanique et l’organique se rencontrent de manière spectaculaire.

Une propagande cinématographique controversée

Cette scène, bien que captivante, est en réalité de la pure propagande. Eisenstein, initialement un réalisateur radical, a détourné ses techniques de montage avant-gardistes pour servir les desseins réactionnaires du régime stalinien. La mécanisation, loin d’être un débat complexe comme aux États-Unis, était alors un rêve à concrétiser en Russie, un pays économiquement en retard et ravagé par la guerre civile.

Les prémices de la révolution mécanique

Cette quête de modernité rappelle les prémisses du mouvement futuriste italien, prônant une fusion entre l’homme et la machine. Marinetti, leader de ce courant, célébrait la technologie et rejetait violemment le passé. Ses idées ont influencé des artistes à travers le monde, y compris en Russie où le mouvement constructiviste a émergé. Ce dernier rêvait d’une société mécanisée, symbolisé par le Monument à la Troisième Internationale de Tatlin.

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La désillusion face à la mécanisation totale

Cependant, l’enthousiasme pour la mécanisation a rapidement cédé la place à la terreur sous le régime stalinien. Le Plan Quinquennal, malgré son succès relatif dans l’industrie, a entraîné des catastrophes dans les campagnes. La collectivisation forcée des terres a provoqué des famines et des exécutions de masse, anéantissant les espoirs d’une société entièrement mécanisée.

Le crépuscule de l’utopie mécanique

La Russie a vu les arts être soumis au réalisme socialiste, tandis que les intellectuels étaient purgés. Le rêve des Constructivistes s’est effondré, remplacé par une mécanisation brutale et désastreuse. La fin de l’Union Soviétique a marqué la fin de ce projet, montrant que la réalité était bien éloignée des rêves futuristes.

En fin de compte, la quête d’une société entièrement mécanisée s’est soldée par un échec tragique, illustrant les dangers d’une vision utopique détachée de la réalité.

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