Poème de Mohamed Abdelbari : Ce que Zarqaʾ al-Yamama n'a pas dit

Poème de Mohamed Abdelbari : Ce que Zarqaʾ al-Yamama n’a pas dit

La Légende de Zarqa al-Yamama

Connue sous le nom de la Femme aux Yeux Bleus de Yamama, Zarqa al-Yamama est une figure légendaire de la pré-Islamique arabe, une sorte de Cassandre, renommée pour son intuition extraordinaire et sa capacité à percevoir ce que les autres ne pouvaient pas. Ses ennemis de tribu, craignant son regard pénétrant, ont élaboré un plan rusé : se camoufler en tant qu’arbres. Pourtant, Zarqa a déjoué leur tromperie en remarquant les arbres bougeant à l’horizon. Elle a averti son peuple du danger imminent, mais, comme de nombreux voyants et prophètes, ses visions ont été rejetées comme de la folie. Les ennemis ont envahi, déchaînant la destruction, le massacre et le pillage. En conséquence, les yeux de Zarqa ont été arrachés et elle a été crucifiée.

Un Poème Intemporel

Dans ce poème, Mohamed Abdelbari tisse magistralement la mythopoièse arabe avec des récits bibliques et coraniques, créant une réflexion puissante et intemporelle sur l’histoire et le moment présent. Le poème tire sa force de l’arabe et de ses sonorités. C’est une qasida dans le mètre kamil et la rime ra, rappelant de nombreux autres poèmes résonnants de ce paysage sonore. Je pense au poème du poète abbasside Abu Tammam décrivant le printemps, où la vue et la vision sont suscitées, remises en question et réinventées, où les choses sont aussi magnifiquement et miraculeusement leur opposé, où la poésie exulte dans le pouvoir de la métaphore, par rapport auquel toutes les formes de pouvoir politique et militaire sont insuffisantes.

Un Message Prémonitoire

Depuis sa première rédaction en 2012, ce poème a été reçu à travers le monde arabe comme une prédiction précoce des conséquences du Printemps arabe. Réfléchissant à cela, Abdelbari me dit : « Je me suis tourné vers Zarqa – comme un trope, un masque, une voix – pour articuler des pensées et des sentiments difficiles dans ce moment monumental après la chute des régimes, en particulier celui de Moubarak en Égypte. Le dilemme qui se posait alors était comment atteindre deux objectifs simultanés : embrasser la foi dans le Printemps arabe tout en se préparant aux immenses conséquences qu’il apporterait inévitablement. » Je pense à la Tunisie, à l’Égypte, à la Libye, au Soudan, au Liban, et aux jours mythiques que nous vivons maintenant en Syrie. La Palestine est toujours présente dans nos esprits et l’exigence de réparation que Gaza nous demande, l’exigence à laquelle elle appelle toute notre histoire.

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Une Exploration de la Langue Arabe

Le poème d’Abdelbari nous emmène à travers les vastes étendues de la langue arabe de la poésie, de la narration et du mythe, à travers ses couloirs étroits de diction et de grammaire, et jusqu’aux sommets de sa fructueuse rivalité avec le divin, ralliant la mémoire de la langue, sa musique, et ses formes de pensée. Lire ce poème maintenant, au moment du génocide, c’est saisir la lumière de la poésie, aussi hésitante et prudente soit-elle, dans l’obscurité totale de l’histoire.

Conclusion

Dans un monde où les prophéties se réalisent, où les visions se heurtent, où la poésie résonne comme un écho intemporel, le poème de Mohamed Abdelbari résonne comme un avertissement et une célébration de la puissance des mots et de la langue arabe.

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