Plongez dans l’univers captivant de Mike Fu avec Masquerade. Fu, écrivain, traducteur et éditeur basé au Japon, nous transporte dans un récit envoûtant. Ayant étudié à Los Angeles, New York, Paris, Suzhou et Tokyo, son talent de traducteur s’est vu récompensé par The Paris Review pour sa traduction chinois-anglais de Stories of the Sahara de Sanmao. Une lecture incontournable encensée par la critique et nominée pour le National Translation Award in Prose. Avec un parcours académique riche, Fu est actuellement doctorant à l’Université de Waseda.
Une immersion à Shanghai
Shanghai en juin, un tourbillon de néons et de verre, entre obscurité et éclat sous un soleil impitoyable. Meadow se retrouve dans l’appartement en hauteur de ses parents à Xujiahui, s’adaptant doucement au rythme de cette ville. Le temps est un cercle, pense-t-il à chaque visite. Malgré ses années d’adolescence révolues dans la ville, il se sent chez lui, entouré des souvenirs familiaux. L’ennui et la simplicité de la vie quotidienne se mêlent à la présence de bibelots datant des jours passés aux États-Unis dans le Tennessee: un porte-encens en forme de lapin en céramique, une tasse Great Smoky Mountains remplie de stylos, une reproduction encadrée de Gustav Klimt au mur.
Il échange quelques messages, dont un avec Selma pour organiser la semaine à venir, mais savoure surtout la quiétude. La paresse le rajeunit presque, trente-et-un ans se transformant en treize alors qu’il passe ses journées à regarder des dramas historiques insipides à la télévision, à se promener avec Papaya, le retriever doré craintif de ses parents, ou à suivre sa mère au marché aux légumes.
La découverte inattendue
Un matin, alors que sa mère est à son cours de danse, il ouvre son sac de voyage à la recherche de sa crème pour les mains. Le premier objet qui lui tombe sous la main est un livre vert aux lettres dorées. Encore en caleçon, allongé sur le lit, il est soudainement captivé par The Masquerade. Il sursaute en reconnaissant son nom imprimé en bas de la couverture. Un livre oublié au milieu du tumulte de son dernier matin à Brooklyn. Il l’examine, tournant les pages avec précaution. Bien conservé malgré ses près de quatre-vingts ans, le livre dégage une odeur de renfermé. La reliure semble fragile, comme si elle pouvait se briser au moindre faux mouvement.
Il murmure, ouvrant le livre pour scruter la page de titre. « The Masquerade – Un récit de déviance et de tromperie. Par Liu Tian, traduit par Barnaby Salem. » Une coïncidence étrange, pense-t-il, que l’auteur porte le même nom que lui – du moins, c’est ce qu’il pense en se basant sur la romanisation. Une étrange serendipité qu’il apprécie, imaginant partager ce nom commun avec l’auteur du livre, comme des milliers d’hommes et de femmes chinois l’ont été au fil des siècles.
Plongée dans un monde fascinant
Il dévore les vingt premières pages alors que la lumière du jour envahit la chambre. Le roman le plonge dans un bal masqué de la haute société de Shanghai à la fin des années 1930. Mizuno, un éditeur de journal japonais, est envoyé dans la vibrante Perle de l’Orient pour superviser les reportages culturels de la communauté importante de ses compatriotes. Parfaitement traduit par Barnaby Salem, le livre lui fait vivre les fastes d’une soirée dans une somptueuse demeure allemande, avec des convives masqués de toutes origines. À chaque fois, Meadow se retourne vers la page de titre et fixe le nom – son nom – imprimé dessus. Liu Tian, traduit par Barnaby Salem. Il secoue la tête, incrédule.
Peu importe qui était Barnaby Salem, il a su rendre le roman en une prose anglaise fluide, parsemée des tournures désuètes d’une époque révolue. Meadow visualise les personnages avec une clarté étonnante, son esprit créant les textures visuelles luxuriantes de ce monde à travers les cinéastes qu’il a intériorisés depuis longtemps. Il ne peut s’empêcher de penser qu’un bal masqué à Shanghai serait le canevas idéal pour les stylings sentimentaux de Wong Kar-wai ou l’opulence onirique de Chen Kaige. Il pense que ce livre raconte l’histoire d’amants contrariés par les tourments de l’histoire, ou quelque chose dans ce genre. Le cadre rappelle directement les recherches qui l’ont autrefois captivé à l’université, un souvenir toujours teinté de regret tant d’années plus tard.