Plongée dans l’Inferno de la vie : un récit de renaissance et de contemplation
Dans le roman de Charlotte Wood intitulé « Stone Yard Devotional », une femme anonyme se retrouve perdue dans une forêt sombre à mi-chemin de sa vie. C’est sans aucun doute une crise de la quarantaine. Fatiguée de sa vie à Sydney, elle décide de fuir son mari pour se réfugier dans un couvent catholique situé sur les plaines venteuses de Monaro, en Australie. Cette fuite est aussi un retour aux sources, car le couvent se trouve près de sa ville natale. Sans enfants, les choses sont plus simples. Comme elle le dit, son mariage est terminé depuis longtemps. Le véritable problème, c’est le désespoir implacable qui a envahi son cœur. Son travail en tant qu’activiste pour les animaux et la planète l’a laissée sans espoir (un péché, selon Dante). Elle aspire à la retraite. Malgré son incrédulité, en suivant les routines du lieu, elle parvient à apaiser son esprit et à calmer son cœur.
### La quête de solitude et de réflexion
En lisant ce roman, je me suis demandé si la plupart des gens n’avaient pas, à un moment de leur vie, envisagé de disparaître. Pour moi, ce désir a commencé dès mon adolescence, lorsque je fantasmais constamment sur la fuite. Comme la protagoniste du roman, il s’agissait moins d’une fuite vers quelque chose que d’un souhait de ne pas être pris dans les exigences du monde. C’est-à-dire que, comme la femme anonyme du roman, je ne fuyais pas vers Dieu, mais je fuyais plutôt ce que mon amie appelle « le vortex » du mariage, d’une hypothèque et de l’éducation des enfants dans ce qui ressemble parfois à une lutte incessante pour devenir « quelqu’un », plutôt que « personne ». Faire la différence. Compter.
Mais comment écarter les exigences du monde, comment calmer le bruit ?
### L’importance de la solitude et de la contemplation
Mon mari est astrophysicien. Une grande partie de son travail consiste à éliminer le « bruit » des lumières proches pour capturer les données des galaxies éloignées en décalage vers le rouge. En tant que traductrice, une partie de mon travail consiste également à essayer d’éliminer le bruit de la langue cible pour isoler et cristalliser en équivalent anglais ce qui brille en japonais. Le calme et la contemplation sont essentiels à mon travail, à la fois en tant que traductrice et en tant qu’écrivaine, où ma capacité à être seule dans une pièce est fondamentale pour mon métier.
### La quête artistique et la nécessité de la solitude
L’écrivain Haruki Murakami décrit sa routine d’écriture, soulignant la discipline et la capacité à être seul avec soi-même nécessaires pour faire de l’art. Ces qualités sont sans doute plus difficiles à atteindre pour les femmes, en particulier les mères, qui assument souvent la majorité des tâches quotidiennes – nettoyer, cuisiner, sacrifier. Virginia Woolf a déclaré que « une femme doit avoir de l’argent et une pièce à elle si elle veut écrire de la fiction », une affirmation qui résonne fortement dans le livre de Wood.
### La contemplation comme acte fondamental
Les critiques ont qualifié le roman de Wood de « contemplatif », mais je soutiendrais qu’au fond, c’est un livre sur l’acte de contemplation lui-même. Le philosophe Byung-Chul Han décrit notre époque comme une ère d’action, où l’activité constante et effrénée nous empêche de respecter la planète et les animaux, poussant ainsi la protagoniste du roman à vouloir se retirer du monde. Han affirme que l’action ne devrait servir qu’à la vie de l’esprit, car le véritable sens de nos vies réside dans notre capacité à trouver une signification personnelle grâce à la contemplation.
### La quête de l’harmonie et de l’attunement
La notion chinoise de « wuwei » (non-action) est souvent mal interprétée. Il s’agit plutôt d’agir sans l’ego, avec une mentalité vide et sauvage. Cela implique une meilleure harmonie entre le « moi » et l' »autre », l’intérieur et l’extérieur. La méditation zen vise à vider l’esprit pour mieux recevoir le monde et atteindre une meilleure attunement entre soi et l’autre, l’intérieur et l’extérieur. Cette harmonie est illustrée de manière poignante dans le roman de Wood, où la protagoniste s’imprègne lentement des routines du couvent, devenant ainsi une partie intégrante du lieu.
### Conclusion
La quête de solitude, de contemplation et de réflexion est essentielle pour les écrivains et les artistes, et peut-être même pour recentrer notre humanité. Comme le dit Ibn ‘Arabi dans son poème, il est crucial de cultiver la capacité de s’arrêter, d’observer et de ressentir. Cette tranquillité « seul-avec-le-seul » est ce qui m’a attiré vers la traduction et l’écriture, des activités qui demandent de nombreuses heures assises en silence. Cette nécessité d’être seul, d’avoir une pièce rien qu’à soi, est fondamentale pour être écrivain et artiste, et peut-être même pour recentrer notre humanité.